Plan d'action Québec–États-Unis
La FCCQ s’est rendue à Washington dans le cadre de l’investiture présidentielle de Donald Trump pour porter la voix de nos membres et des entreprises québécoises auprès des acteurs économiques et décideurs politiques américains.
Une semaine pleine de rebondissements, où nous avons rencontré des élus américains des deux partis, des représentants d’associations économiques, des représentants gouvernementaux québécois et canadiens, ainsi que des entreprises qui opèrent des deux côtés de la frontière. L’objectif, comprendre leur point de vue et faire valoir que l’imposition de tarifs serait néfaste pour nos économies. Retour sur les éléments importants de ce dossier.
Chiffres clés
des répondants craignent pour la survie de leur entreprise advenant une guerre tarifaire avec les États-Unis.
des répondants souhaitent l’imposition de contre-mesures tarifaires (17%), non-tarifaires (14%), ou les deux simultanément (59%) par le gouvernement fédéral canadien.
des répondants estiment que la communauté d’affaires québécoise n’a pas été suffisamment consultée par les différents paliers de gouvernement sur ces sujets.
des répondants estiment que leur entreprise ou leurs entreprises membres seront directement (36%) ou indirectement (40%) affectées négativement par l’imposition de tarifs américains de 10% à 25% sur nos exportations.
de ceux-ci craignent des annulations de contrats ou de commandes aux États-Unis, et plus du tiers (34%) une perte de parts de marché aux États-Unis. 21% envisagent une délocalisation de certaines activités de production aux États-Unis.
des répondants redoutent que leur entreprise ou leurs entreprises membres soient affectées négativement par l’adoption de contre-mesures tarifaires par le gouvernement canadien. Il faudra donc bien cibler ces mesures, et nuire le moins possible à nos importateurs.
Prises de paroles et entretiens
Notre PDG, Véronique Proulx a assisté à une réception de notre partenaire, le Canadian American Business Council (CABC), sur invitation de sa présidente et directrice générale, Beth Burke. Une occasion d’échanger avec l’ambassadrice Kirsten Hillman, la ministre Mary Ng et plusieurs entreprises exportatrices membres de la FCCQ sur l’impact des tarifs potentiels.
Ce qu’il faut retenir
Véronique Proulx a pu réitérer l’importance des relations canado-américaines pour la Fédération des chambres de commerce du Québec et prendre le pouls des entreprises québécoises présentes.
Sur la photo de gauche à droite : Véronique Proulx, présidente-directrice générale, FCCQ et Beth Burke, présidente-directrice générale, Canadian American Business Council.
Prises de paroles et entretiens
La délégation de la FCCQ a suivi l’investiture du Président Trump à l’événement VIP de l’Ambassade du Canada, sur invitation de l’Ambassadrice Hillman. Une journée qui s’est clôturée par une réception organisée par la Délégation du Québec à Washington et le Business Council of Canada. Ce fut l’occasion d’échanger avec plusieurs représentants politiques et économiques influents, notamment François-Philippe Champagne, Martine Biron, Benjamin Bélair et Marie-Eve Jean, ainsi que des partenaires économiques et décideurs politiques américains. Ces discussions ont permis de partager des perspectives clés sur les enjeux économiques. En parallèle, des entrevues ont été accordées à Gérald Fillion et Pierre-Olivier Zappa pour renforcer la portée des messages auprès du public québécois.
Ce qu’il faut retenir
La journée s’est conclue par une annonce marquante : le Président Trump, nouvellement élu, a déclaré l’imposition de tarifs de 25 % à partir du 1er février, une mesure qui aura des répercussions importantes sur nos échanges commerciaux si elle est mise en place.
Sur la photo de gauche à droite : Véronique Proulx, présidente-directrice générale, FCCQ ; François-Philippe Champagne, ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie du Canada ; Marie-Eve Jean, vice-présidente, Exportations, Investissement Québec International.
Prises de paroles et entretiens
La délégation de la FCCQ a tenu des rencontres stratégiques avec la U.S. Chamber of Commerce, partenaire de longue date, ainsi qu’avec des représentants du Congrès et du Senat et des entreprises opérant de part et d’autre de la frontière.
Véronique Proulx, présidente directrice générale de la FCCQ a eu l’occasion de mettre de l’avant nos préoccupations lors d’entrevues avec Catherine Gauthier (Radio-Canada), Isabelle Maréchal (QUB Radio) et CBC/Radio-Canada.
Ce qu’il faut retenir
Bien que l’imposition de tarifs semble inévitable, il est primordial de parler davantage avec nos partenaires américains de sécurité économique, sécurité à la frontière et de sécurité de nos chaînes d’approvisionnement afin de trouver des solutions communes qui préserverons nos intérêts mutuels.
Sur la photo de gauche à droite : Gayla Brock-Woodland, Chief Operating Officer, CCC ; Candace Laing, PDG, CCC ; Neil Herrington, SVP, Americas, U.S. Chamber of Commerce ; Véronique Proulx, présidente-directrice générale, FCCQ ; Goldy Hylder, PDG, Business Council of Canada ; John Dickerman, Vice President, United States – Business Council of Canada.
Prises de paroles et entretiens
Nous avons eu l’occasion de participer à des rencontres stimulantes avec des entreprises et des élus américains. Parmi eux, le Congressman Langworthy, avec qui nous avons eu des échanges approfondis, notamment en ce qui concerne la sécurité des chaînes d’approvisionnement, un enjeu clé des négociations à venir.
Pour dresser le bilan de cette semaine d’activités et de rencontres, une entrevue avec Patrick Lagacé (98.5).
Ce qu’il faut retenir
Cette dernière journée a confirmé l’importance de revenir aux fondamentaux avec nos partenaires américains : le Québec et le Canada sont et resteront des alliés incontournables pour soutenir et accélérer la croissance économique des États-Unis.
Sur la photo de gauche à droite : Véronique Proulx, présidente-directrice générale, FCCQ ; Nick Langworthy, Congressman, U.S. House of Representatives ; Florent Favrel, directeur, Corridors de commerce (COREX), FCCQ.
Face au protectionnisme et à l’approche America First des États-Unis, le Québec doit faire preuve de l’ambition et du courage qui s’imposent. Nous devons prendre des mesures fortes.
En ce qui concerne ce premier front, mentionnons que le gouvernement fédéral canadien a déjà exprimé publiquement son intention d’imposer, comme en 2018 et 2020, des contre-mesures tarifaires sur certains produits américains en réplique aux tarifs qui seront appliqués sur les exportations canadiennes.
Nous sommes d’avis que cette liste provisoire doit être immédiatement soumise à la consultation de la communauté d’affaires, car il faut éviter que des contre-mesures tarifaires nuisent à nos importateurs et industries, comme cela a été le cas en 2018 avec l’imposition de contre-tarifs sur l’acier et l’aluminium américains.
Nous devons également exiger que l’entièreté des sommes tirées d’éventuelles contre-mesures tarifaires soit remise aux entreprises touchées. Le Québec devrait mettre en place un fonds de subventions d’urgence, capitalisé notamment par ces sommes mais auquel l’État québécois devra également contribuer directement, et mis à la disposition des entreprises québécoises les plus touchées par la guerre tarifaire. Cela permettrait de limiter des mises à pied, et l’accroissement des prix à la consommation.
Il faut urgemment promouvoir l’approvisionnement québécois et l’achat local. Trois chantiers permettraient de progresser sur ce plan. D’abord, il faut pousser plus loin la réforme des marchés publics, en assurant l’application systématique, par le CAG et les organismes publics, de la marge préférentielle de 10 % prévue à la Loi 18 pour les entreprises québécoises. Cette marge gagnerait à être augmentée, et les contrats octroyés majoritairement en fonction de critères autres que celui du plus bas soumissionnaire.
Deuxièmement, il faut renforcer l’initiative portée par l’OBNL Les produits du Québec, notamment en reconnaissant officiellement ces marques de certification en tant que critères qualificatifs dans le cadre de l’octroi des contrats d’approvisionnement public. Il serait aussi pertinent de statuer rapidement sur l’applicabilité d’une réduction modulée du taux de la TVQ pour les produits certifiés, afin d’encourager l’achat local.
Enfin, il complémenter les efforts d’Investissement Québec en matière d’approvisionnement québécois, notamment en lui octroyant de nouvelles sommes destinées au développement du maillage entre contractants et fournisseurs et aux initiatives de substitution des importations. Il faut aussi envisager d’assujettir désormais le financement public (crédit, subventions, équité) offert aux entreprises, en particulier étrangères, à des exigences minimales d’approvisionnement québécois.
Nos entreprises ont été durement frappées, depuis l’été 2024, par de multiples changements aux règles et quotas applicables à l’embauche de travailleurs étrangers temporaires (TET). Alors que les tensions commerciales montent et que la rareté de main-d’œuvre persiste dans plusieurs secteurs, nos entreprises ont besoin de plus de flexibilité à cet égard. Le gouvernement doit appliquer un moratoire immédiat aux nouvelles restrictions liées à la rétention et au renouvellement des TET volet bas salaire (pour les travailleurs qui étaient au Canada avant le 26 septembre 2024).
Notre retard de productivité sur les USA est un risque stratégique important qui s’ajoute aux risques commerciaux. Cela est désormais d’autant plus important que la nouvelle administration américaine propose la déductibilité à 100 % des dépenses de R&D des entreprises. Nous encourageons le gouvernement à harmoniser son crédit à la RS&DE aux modifications proposées au palier fédéral.
Le gouvernement devrait notamment :
– rendre admissibles au programme les travaux afférents à « l’étude de marché » ainsi qu’à la pré-commercialisation d’un matériau, dispositif, procédé ou produit nouveau ou amélioré, à condition que ces travaux soient directement liés aux dépenses et activités de R&D (ex. prototypage, simulation, jumeaux numériques, etc.) ;
– rendre admissibles les dépenses courantes en matériaux, équipements, formations et acquisition de connaissances dont il peut être démontré qu’elles sont nécessaires aux activités de R&D ;
– restaurer l’admissibilité des dépenses en capital, puis rehausser le plafond des dépenses admissibles au taux bonifié et l’intervalle de revenu imposable éliminant progressivement ce plafond. Indexer ce plafond et cet intervalle à l’inflation ;
– mettre en place des politiques d’application sectorielle du programme RSDE, permettant d’assouplir les critères d’admissibilité pour les secteurs à très haute intensité de R&D, puis de moduler à la hausse les taux du crédit d’impôt pour les secteurs de moyenne ou de basse intensité de R&D doit on souhaite stimuler les investissements.
La fiscalité corporative de la plupart des États américains est déjà plus avantageuse que celle du Québec et le sera bientôt encore davantage. L’impôt québécois sur le revenu des sociétés est actuellement de 11,5 %, alors qu’il se situe entre 0 % à 10 % dans la plupart des États américains. Dans la mesure où la prochaine administration américaine abaisse de nouveau le taux d’imposition fédéral à 15 %, équivalent au taux fédéral canadien, le Québec devra s’ajuster pour maintenir la compétitivité de son régime fiscal.
Les entreprises québécoises ont dû affronter un choc tarifaire de 6,5 % en 2023, 5,1 % en 2024, et possiblement de 3,9 % pour 2025. Cela contribue à la hausse de leurs coûts d’opération. Le projet d’indexation du bloc patrimonial mis de l’avant par le gouvernement aggraverait les choses. Dans le cas de la clientèle d’affaires, ce bloc est d’autant plus stratégique qu’il représente près de la moitié des coûts du tarif L, offert à la grande industrie afin d’assurer sa compétitivité face aux États-Unis.
Que ce soit une fiscalité moins lourde, des coûts de main-d’œuvre moins élevés ou des règles environnementales moins strictes, nos compétiteurs dont les États-Unis misent sur leurs avantages. Le bas coût de l’électricité est l’un de nos principaux avantages et il doit être maintenu afin de préserver notre compétitivité industrielle.
Nous recommandons par ailleurs au gouvernement d’envisager des allégements temporaires au SPEDE (marché du carbone), qui permettraient de réduire les coûts qui y sont associés pour les grands industriels, qui seront également les premiers touchés par d’éventuels tarifs américains. Il pourrait notamment retarder le projet de règlement devant être présenté cet hiver, mais aussi décréter un moratoire sur la réduction des plafonds d’unités d’émissions pour 2025, ou allouer davantage d’unités gratuites aux entreprises à forte intensité d’émissions et exposées aux tarifs.
La FCCQ a salué la reconduction pour cinq années supplémentaires de l’Incitatif à l’investissement accéléré et de la passation en charge immédiate au fédéral. Il est important que le gouvernement y harmonise le régime fiscal québécois, puis qu’il redonne à nos entreprises l’avantage que constituait la déduction additionnelle de 30%, abolie le 1er janvier 2024. Le secteur de l’aluminium, susceptible d’être fortement affecté par les tarifs américains, devrait désormais être admissible à ces incitatifs.
Le commerce entre le Québec et le reste du Canada est en forte croissance depuis dix ans, et représente plus du tiers de notre commerce extérieur total. Certains de nos secteurs industriels clés en dépendent, comme dans le minier ou le laitier par exemple. Notre solde commercial avec le reste du Canada, à l’exception de l’Ontario, est positif.
Or, le deux-tiers environ des exportations québécoises de biens vers le reste du Canada sont actuellement concentrées en Ontario, alors que près de la moitié de nos exportations de services sont destinées à d’autres provinces. Il faut trouver un meilleur équilibre, notre déficit commercial face à l’Ontario s’élevant à plus de 10 G$ dans le secteur des services.
Par ailleurs, les barrières commerciales entre les provinces canadiennes sont largement plus importantes que celles qui existent entre les États américains. Il faut changer cela et renforcer notre marché intérieur. Selon la BNC, l’élimination des barrières commerciales intérieures au Canada pourrait faire grimper le PIB par habitant de 3,8 % au pays.
La diversification de nos exportations internationales doit aussi être un objectif clé, considérant notre forte dépendance envers le marché américain, qui rend notre économie vulnérable. Depuis une quinzaine d’années, cette dépendance s’est renforcée au lieu de se résorber, et ce malgré la signature de nouveaux accords de libre-échange avec l’Union européenne et les pays du PTPGP.
Dans le secteur manufacturier par exemple, la part de nos exportations internationales destinée à l’Union européenne est passé de 13 % à moins de 8 %, alors qu’elle passait de 70 % à 79 % aux États-Unis.
Dans ce contexte, le gouvernement doit rapidement mettre en place un programme de financement et d’accompagnement axé sur la diversification des exportations, qui ciblerait nos principaux exportateurs et pami eux, ceux dont la dépendance envers le marché américain est la plus importante.
À court terme, on pourrait également envisager la création d’un fonds de garanties de prêts d’urgence visant à soutenir les entreprises exportatrices affectées par les tarifs américains, et souhaitant diversifier leurs marchés d’exportation au-delà des États-Unis, en particulier vers l’Union européenne ou les pays partenaires du PTPGP.
Enfin, il sera important de débloquer les sommes nécessaires à la relance du Programme de soutien à la commercialisation et à l’exportation (PSCE), puis d’y inclure progressivement la diversification des marchés, au sein et au-delà des États-Unis, aux critères d’évaluation des demandes.