Lettres ouvertes
25 janvier 2024
Lettres ouvertes
25 janvier 2024
Un chantier de construction est un mouvement incessant d’actions séparées qui doivent se coordonner pour réussir. Le retard d’un sous-traitant dans la livraison d’une partie d’un projet entraîne une série d’impacts successifs venant augmenter substantiellement les coûts et délais pour le réaliser
Les échéanciers sont tout aussi serrés pour le ministre du Travail, Jean Boulet, afin de réformer les règles entourant le travail dans l’industrie de la construction. Les conventions collectives liant les parties patronales et syndicales viennent à échéance le 30 avril 2025. Bien que cette date puisse sembler éloignée, il faut tenir compte de la traditionnelle période de maraudage ponctuée de luttes fratricides entre centrales syndicales qui se déroulera du 1er au 31 mai 2024.
Les mêmes intervenants devront ensuite déterminer entre eux le fonctionnement de leurs instances de négociation prenant en compte leur nouvelle représentativité avant d’amorcer la consultation de leurs membres aux quatre coins du Québec et ainsi identifier leurs nouvelles priorités en vue de la négociation. Aussi bien dire qu’à partir du 30 avril 2024, soit un an avant la fin de l’échéancier, il n’y aura pratiquement plus d’abonné au numéro composé.
Le projet de loi que déposera prochainement le ministre du Travail pourrait faire face à un puissant vent de résistance aux changements dans un contexte syndical déjà effervescent. À titre d’exemple, certains syndicats ont déjà contesté la légitimité des travaux de consultation préalable au dépôt du Projet de loi.
Pour les milieux économiques, les attentes ont le mérite d’être claires. Le gouvernement devra incontestablement puiser dans sa proverbiale réserve de courage afin de mener à bon port les importants changements nécessaires pour une industrie qui fait face à une inflation galopante et à de sérieux enjeux de productivité.
Les parlementaires, tous partis confondus, auront l’obligation de parvenir à l’adoption d’une loi et d’achever la livraison du chantier historique attendu et promis. Le report de cette réforme serait inconcevable, les enjeux sont trop importants. La crise du logement, un visage patent des enjeux auxquels est confronté le Québec, serait l’une des premières bénéficiaires des changements attendus.
Selon le dernier rapport annuel de la Commission de la construction du Québec (CCQ) publié pour l’année 2022, le travailleur de la construction moyen régie par les conventions collectives ne travaillait que 1 062 heures par année en raison des règles trop strictes de l’industrie quant à la mobilité professionnelle et géographique. Malgré une rémunération horaire moyenne enviable de 45,39$, les travailleurs déclarent un salaire annuel moyen de près de 48 000$, bien loin du seuil des « bons emplois payants » tant recherchés par le Premier ministre François Legault.
Dans tout cela, il faudra également rassurer les investisseurs que leurs chantiers ne seront pas perturbés par des moyens de pression et des grèves à chaque négociation de convention collective. Les exemples se multiplient dernièrement quant aux limites de l’exercice débridé du bon vieux rapport de force et l’industrie de la construction en a fait les frais au cours des dernières décennies.
On ne peut pas s’attendre à ce que les gouvernements adoptent des lois spéciales de retour au travail à chaque conflit. Les parlementaires devront réfléchir à l’adoption de mécanismes alternatifs de résolutions de conflits, prévoyant, par exemple, la menace de l’imposition d’un arbitrage obligatoire.
J’invite tous les citoyens à suivre de près les débats entourant cette réforme annoncée pour les prochains mois. D’une façon ou d’une autre, nous avons tous à gagner d’avoir un secteur de la construction qui livre à temps la marchandise.
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