Entrepreneuriat

Lettres ouvertes

8 décembre 2022

L’injustice qui pénalise le transfert d’entreprises familiales vers la prochaine génération doit être enfin corrigée

Les propriétaires de PME familiales le dénoncent depuis de nombreuses années : au Canada et plus particulièrement au Québec, le régime fiscal pénalise le transfert d’entreprises à ses enfants par rapport à une simple vente à un tiers. Devant cette situation aussi injuste qu’absurde, nous avons demandé à plusieurs reprises aux gouvernements d’y mettre fin.

Il ne s’agit pas d’accorder un passe-droit à qui que ce soit, mais simplement de lever cet obstacle afin que le plus grand nombre de PME familiales québécoises demeurent entre les mains de familles d’entrepreneurs d’ici. Ces entreprises sont dans une situation d’incertitude qui rend timides les entrepreneurs qui voudraient en transférer les rênes. L’impact sur les projets d’investissements est très réel, et par le fait même l’impact sur notre richesse collective.

Au palier fédéral, grâce à la mobilisation du milieu entrepreneurial et de partis d’opposition à Ottawa, un projet de loi a finalement été adopté en juin 2021 afin de corriger cette situation, ce qui a généré beaucoup d’espoir chez les familles qui envisagent un transfert générationnel.

Malheureusement, depuis l’adoption du projet de loi C-208, les entrepreneurs ont la désagréable impression que le gouvernement fédéral tarde à faire ce qu’il faut pour qu’il s’applique réellement. Dans le budget fédéral présenté en avril dernier, la ministre des Finances Chrystia Freeland annonçait que C-208 ne suffisait pas, et que d’autres modifications législatives étaient nécessaires, via un nouveau projet de loi qui serait déposé à l’automne.

Or, l’énoncé économique du 3 novembre demeure silencieux à ce sujet. La déception est vive, tant chez les entrepreneurs qui souhaitent passer le flambeau que chez la nouvelle génération qui est directement pénalisée par l’inaction du gouvernement fédéral.

Au palier québécois, les règles actuelles n’aident pas, car elles requièrent toujours un transfert majoritaire de l’entreprise, à 50%+1, ce que bon nombre d’entrepreneurs ne sont pas prêts à faire du premier coup, préférant un transfert progressif. Dans plusieurs cas, cela est plus adéquat, donnant un certain temps d’adaptation additionnel et permettant la création d’un plan de relève progressif, par exemple.

Il est temps de s’attaquer à cette règle arbitraire afin de faire en sorte que l’objectif de l’ensemble de ces modifications, c’est-à-dire favoriser le repreneuriat et redonner la possibilité aux entrepreneurs de gérer le transfert de leur entreprise comme ils le souhaitent, soit atteint. Dans le contexte actuel de transformation des modèles d’affaires et d’entrepreneuriat vers des approches plus familiales et collectives, nous devons favoriser un transfert plus progressif afin que les cédants puissent prendre le temps de bien transférer ses compétences.

Plus que jamais, nous avons le devoir de valoriser nos entreprises familiales qui traversent une  période d’instabilité économique. Elles contribuent à la vitalité économique de toutes les régions du Québec et cadrent parfaitement avec la volonté de nos gouvernements de favoriser le talent local et le maintien de sièges sociaux dynamiques au Québec et au Canada.

Selon une étude de HEC Montréal publiée l’an dernier, près des deux tiers des dirigeants d’entreprises familiales ont pour objectif d’effectuer un transfert à la génération suivante. La volonté est donc là, mais les règles fiscales ne suivent pas. Nos gouvernements doivent prendre leurs responsabilités et débloquer ce dossier.

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